Une Vue Sociologique du Divorce en Afrique

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« Le divorce ne fait pas partir de notre culture », nous dit la sociologue du genre et développement/humanitaire Gaëlle Bidjo; par ailleurs militante pour l’autonomisation de la femme.

Sur le plan sociologique, comment expliquer le taux de divorces peu élevé en Afrique comparativement aux autres continents?

Les réponses sont basées sur la perception du mariage en Afrique. Ceci commence dès le bas âge avec la socialisation de la jeune fille par rapport au mariage. Elle grandit avec à l’esprit qu’une femme accomplie est celle-là qui est mariée. Aussi, dans notre société lorsqu’une personne atteint un certain âge sans se marier elle est regardée d’un mauvais œil. Le mariage chez nous est encore rattaché à l’accomplissement de l’être, et en particulier de la femme. C’est à partir de ce prémisse que l’on peut mieux expliquer ce phénomène. 

Parlant du divorce, quelle en est la perception chez les Africains ?

En Afrique le divorce est un échec.  Je mettrai encore plus d’accent sur la femme africaine car c’est sur elle que repose le mariage. Son rôle traditionnel  est de se marier, de faire des enfants et de tenir un foyer. Alors une femme qui est divorcée est une femme qui n’a pas pu remplir son rôle premier pour lequel elle est conçue. C’est malheureusement cette perception qu’on a dans notre société. Une fois on a dit oui, on n’a plus droit de retourner au célibat ou pire de divorcer.

Cette perception ne serait-elle pas liée à nos us et coutumes ?

Le divorce ne fait effectivement pas partie de nos us et coutumes. Et en sociologie on parle souvent de rejet. En fonction de sa culture, l’homme rejette certains comportements.  Je prends l’exemple de l’homosexualité où on se dit « c’est une affaire des Occidentaux ». Et l’Africain refuse de l’accepter. C’est pareil avec le divorce.

Dans ce phénomène, quelle est la place des institutions ?  

L’Eglise, la famille, les institutions étatiques jouent un grand rôle ici. L’Eglise et la famille jouent le même rôle. On a tendance à dire chez nous « le linge sale se lave en famille ». Parlant de famille ici, on peut parler d’Eglise et de la famille nucléaire. On peut remarquer que dans les pays où la religion et l’autorité familiale ont une grande main mise sur le couple, les taux de divorce sont bas. L’Eglise comme la famille ne conseilleront jamais à un conjoint de demander le divorce. Les institutions étatiques (les affaires sociales, les tribunaux…) sont les ennemis de l’Africain. Notre société est telle qu’on est taxé de mauvais conjoint quand on saisit le commissariat par exemple. Ces institutions étatiques sont pourtant là pour ça.

De nombreuses femmes mariées choisissent d’abandonner leurs foyers en silence par peur du regard d’autrui si elles venaient à demander le divorce. Selon vous, comment changer cette vision des choses ? 

Il faut une resocialisation de l’Africain, en particulier de la femme africaine. Ceci pour qu’elle comprenne qu’une femme accomplie n’est pas seulement celle qui est mariée. Il faudrait qu’on la resocialise en ce qui concerne le divorce. Aussi, il faut penser à l’autonomisation de la femme. Une femme dépendante est une femme qui sera contrainte à rester dans un mariage où elle n’est pas à l’aise. La majorité des divorcées sont des femmes émancipées qui peuvent facilement s’occuper d’elles-mêmes et de leurs enfants.

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